Le CD3 m'avait laissé un goût amer : développant énormément le scénario et devenant du même coup exagérément confus, je lui reprochais également d'avoir un propos très prétentieux, en essayant de faire passer pour de grands traits de génie des évidences, le tout via une mise en scène moyenne. J'avais également critiqué l'OST, trop discrète à mon goût.
Le quatrième et ultime CD corrige, en partie, les errances du troisième CD. Le propos y est bien moins alambiqué et le scénario se résout plutôt aisément : Garland est un androïde, il voulait fusionner Terra et Héra, ça a mal fini, bref, on comprend l'idée générale. J'avais peur d'une fin sous acides digne d'Evangelion vu la tournure que prenait les choses, mais visiblement, la cocaïne a été retirée du budget de développement à ce moment-là. Du côté simplement scénaristique d'ailleurs, Final Fantasy IX ne brille finalement pas puisque son scénario est très, très long à se mettre vraiment en marche (premier tiers du CD3) et n'a pas de grande portée (Djidane est un clone ? Ok... Cool.), restant cantonné à une histoire classique. Ce qui m'a bien plus intéressé, et ce qui est maîtrisé, c'est premièrement la psychologie des personnages et ensuite le message (du moins dans le CD4).
La psychologie des personnages est certes très inégale : Kweena n'a aucun développement, Tarask est le solitaire archétypal de tous les RPG, Freyja a une personnalité en carton, Steiner n'est pas franchement mieux. Quatre personnages jouables sur huit sont donc très moyens. Les quatre autres vont du bon au grandiose. Eiko, tout d'abord, malgré son côté peste de six piges qui m'a tapé sur le système, a quand même quelques troubles internes et on sent que son histoire a été difficile à vivre. Dagga est déchirée entre ses responsabilités, ses désirs et son passé : et même si le personnage aurait pu être encore mieux exploité, on s'attache à ce petit bout de femme qui grandit non sans heurts dans le monde de Héra. Djidane est réussi : malgré son côté friendship solves all commun à tous les héros de RPG (sauf les héros de RPG dark comme Cloud ou Squall), il est sympathique, assez torturé (même si le fait qu'il soit un clone n'a en soi aucune importance, les implications et son nihilisme passager sont intéressants) et je regrette que son dialogue final avec Kuja ne dure que dix secondes. Et enfin, Bibi. Oh, mon Dieu, Bibi. Où puis-je commencer avec ce personnage qui est peut-être le plus sincère, le plus touchant, le plus humain (étonnant, hein ?), le plus bouleversant qu'il m'ait été donné de voir dans un RPG ? Ses questions sur la vie et le sens de l'existence sont parfaitement maîtrisées et évitent le piège de la surenchère dans lequel se vautre le CD3. Ses dialogues avec les autres Mages Noirs sur la mort sont tout simplement bouleversants. En fait, si le scénario du jeu avait été d'aller sauver le monde de l'empire des courgettes mutantes mais qu'il y avait eu les réflexions de Bibi, ça m'aurait suffi. Kuja est intéressant. Déchiré entre son existence de clone, son nihilisme effarant et sa soif de puissance, c'est un antagoniste plus subtil qu'on pourrait le croire ; et heureusement, Squaresoft nous épargne une "repentance" à la fin du jeu qui aurait été bien lourdingue. Il a vécu pour être le centre de l'univers, il accepte de disparaître s'il n'est pas utile à l'univers. Une fin appropriée pour un méchant assez étonnant, qui me rappelle beaucoup Kharan Ramsus dans Xenogears, en moins torturé tout de même.
Le message est en fait intéressant car simple : restez proches de vos amis, vivez pour vous, battez-vous pour vivre, la vie n'est pas éternelle mais vaut la peine d'être vécue. On pourra gloser sur les longues réflexions de l'équipe face à Darkness (parenthèse : que vient-il faire là ce gugusse ?), les longues tirades interminables, mais au fond, le message est simple, simpliste même. Et c'est là ce que je reproche le plus, paradoxalement, à Final Fantasy IX : il essaie d'être ce qu'il n'est pas. Ce n'est pas un jeu proposant une réflexion profonde (hormis les passages avec Bibi). C'est un jeu aux messages simples, clairs, un jeu qui se termine bien (d'ailleurs, ça fait plaisir d'avoir une fin heureuse alors que dans FFVI le monde est dévasté et que dans FFVII le monde s'apprête à être dévasté), un jeu dont on ressort le cœur plutôt léger, qui parle de personnes normales qui cherchent leur place dans le monde. Hélas, le jeu masque tout cela derrière des grandes phrases pompeuses, un scénario jeté trop rapidement au visage du joueur, des pseudo-réflexions sur l'existence, le néant, l'origine de la vie, l'histoire des clones, la fusion des deux mondes, Darkness qui soliloque... Tout ça, c'est de la poudre aux yeux jetée au visage du joueur pour tenter de lui dire "Hey ! Dans FFVII y avait Jénova et un complot alliant génétique et prophétie ancienne, c'était cool, alors on l'a refait ici !" et qui masque l'intérêt réel de FFIX : ses leçons sans grande prétention, mais importantes.
Donc finalement, est-ce que j'ai aimé Final Fantasy IX ou pas ? A dire vrai... je n'en suis pas très sûr moi-même. Le gameplay est simple mais très efficace et se laisse prendre instantanément en main, les graphismes n'ont pas trop mal vieilli (même si certaines cinématiques qui mélangent CG et sprites in-game me font pleurer), le message final ne vole pas bien haut mais réserve ses moments de grâce (BIBI !!!!!), certains personnages sont intéressants, Kuja m'a plu... Mais à côté de ça, le scénario est inutilement complexe (pas de la vraie complexité comme dans Metal Gear Solid 2, de la complexité provoquée en te balançant tout au visage en quarante minutes), le jeu tente de faire passer son message, au demeurant simple, à travers de grandes phrases pompeuses et souvent incompréhensibles, le scénario évolue de façon très réduite, les twists scénaristiques n'en sont pas vraiment ("Djidane, je suis ton père", "En fait je suis un androïde", "Kuja on l'a envoyé pour foutre le zbeul sur Héra", "Dagga t'es une Invokeuse en fait", "Tarask était vigile à Tréno avant")... Au final, faut tenter Final Fantasy IX, et accepter un message simple masqué par un script dont la concentration en cocaïne avoisine celle de End of Evangelion.
Ah au fait, l'OST est toujours faiblarde, à part la chanson finale, Melodies of Life, très cool.