Ces derniers temps j'ai gobé (plusieurs fois) Blame!, sous-titré "Adventure-seeker Killy in the Cyber Dungeon quest!" manga cyberpunk culte et très difficile d'accès. C'est le complet opposé de Ghost in the Shell de Shirow Masamune, complexe mais qui balance des tonnes de commentaires et d'explications à chaque page. Avec Blame! c'est simple: on ne sait RIEN. Le décor raconte autant de choses que les personnages presque muets.
L'histoire se concentre sur Killy, un mec taciturne avec un flingue surpuissant, à la recherche d'un humain "possédant un terminal génétique". Il vadrouille depuis on ne sait combien d'années (décennies? siècles ? plus ?) dans une gigantesque mégastructure, une ville futuriste et décadente devenue folle à la suite d'on ne sait quel cataclysme, et qui a échappé à tout contrôle, grandissant exponentiellement dans toutes les directions. C'est un délirant empilement de milliers de niveaux, chacun pouvant lui-même atteindre plusieurs milliers de kilomètres d'épaisseur. Des robots géants, les Bâtisseurs, construisent de façon totalement anarchique, en autistes, sans plans ni raison aucune. Ils ont échappé au contrôle de la Netsphère, le pendant virtuel de ce monde hostile. Seul un humain disposant d'un terminal génétique peut accéder à la Netsphère. Malheureusement, au cours des âges (et peut-être à cause du cataclysme qui a rendu la ville folle), tous les humains ont muté et plus personne ne peut se connecter. Sans terminal génétique, les humains sont tous considérés par la ville comme des résidents illégaux, et sont pourchassés par les Sauvegardes, des machines prédatrices impitoyables sensées protéger la Netsphère dans la "réalité basique". Les petites civilisations qui existent vivent cachées, quelques dizaines d'individus, souvent moins, perdus dans cet immense labyrinthe sans fin. Parfois encore plus ou moins humains, parfois mutés au point de devenir géants ou minuscules, ou des colonies de clones, des cyborgs plus machines que vivants... tous sont perdus et luttent pour la survie et leurs propres enjeux (rarement détaillés, plus souvent dévoilés sur une phrase ou deux).
Les morts s'enchaînent sur la route infatigable de Killy, qui ne sait plus d'où il vient, ni d'où il tient son arme imparable: un émetteur de positrons, un pistolet à énergie dévastateur. Un tir à faible puissance désintègre tout sur plusieurs centaines de mètres de long, et à pleine puissance le recul casse le bras du tireur et le rayon rase des de kilomètres de ville. Est-il un envoyé de la Netsphère ? Une ancienne Sauvegarde qui s'est émancipée ? D'où tient-il le boîtier mystérieux qui lui permet de communiquer avec les Bâtisseurs ? Peu lui importe, seul trouver un terminal génétique compte. Il ne sait même plus pourquoi.
Blame! tient en dix volumes, qu'on peut lire en une heure tant il y a peu de dialogues (et alors on ne comprendra rien). Mais en analysant les décors, la Mégastructure, ce qui s'esquisse et se trame dans les recoins, on arrache des bribes d'informations et on parvient peu à peu à deviner certaines choses. C'est un manga qu'on aime ou qu'on déteste. Pour ma part, j'adore.
A noter qu'il a été partiellement adapté en film d'animation, dispo sur Netflix, racontant la rencontre avec les Electro-Pêcheurs, une petite civilisation que Killy croise rapidement au cours de sa route.