#390086 par Arvester
16 Mar 2017, 15:00
Allez les enfants, on va mettre nos bottes pour aller patauger un peu dans la fange des recoins les plus sombres de l'histoire de Nintendo, et parler d'une machine qui reste à ce jour la grande honte de la firme, au point qu'elle n'apparaît même pas dans leur timeline officielle: je parle bien sûr du Virtual Boy, cette console étrange qui trimbale un paquet de casseroles et de légendes urbaines.

Mais d'abord, de quoi va-t'on causer, en fait ?

DESCRIPTION

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On voit sur le dessus le réglage des affichages, le bouton rotatif correspond à la balance des affichages (pour ne pas forcer sur un œil au détriment de l'autre), le slide correspond, lui, à la focale.



Le Virtual Boy est une console de salon basée sur un processeur RISC 32bits cadencé à 20MHz (celui de la première Playstation est à 33MHz) qui produit des images 3D en "haute résolution" (384*228*2, c'était grand pour l'époque), en 3 dégradés de rouge sur un fond noir (pour un total de 4 teintes par colonne, chaque colonne pouvant être affichée selon 128 niveaux d'intensité lumineuse). La console, contrairement à ce que beaucoup croient, ne comporte aucun écran. Les images sont créées grâce à deux bandes de 228 led, une bande par œil, dont la lumière est réfléchie par des miroirs oscillant à grande vitesse (à 50.2Hz). L'expérience 3D est augmentée par un son en stéréo et une manette à la conception nouvelle, comportant deux croix directionnelles et deux poignées ergonomiques pour un déplacement en profondeur simplifié (le joystick analogique n'apparaîtra qu'avec la console suivante, la N64). La console est alimentée par 6 piles AA logées dans la manette ou une alimentation vendue séparément, branchée via un adaptateur lui aussi vendu séparément, se fixant à la place des piles. Les jeux sont stockés sur des cartouches, de 4 à 128MBits de stockage. Chaque cartouche comporte également une RAM allant jusqu'à 128MBits permettant d'adapter la mémoire disponible à ce dont le jeu a besoin. La manette comporte quatre boutons (A B L R), start et select, et les deux croix directionnelles (peu utilisées en jeu, bien souvent les commandes sont dupliquées de l'une à l'autre).

COMMENT ÇA MARCHE

L'affichage repose sur le concept de la persistance rétinienne: La colonne de led pour chaque œil affiche la première colonne de l'image, réfléchie par le miroir. Ce dernier oscille légèrement et envoie l'ordre au processeur d'afficher la seconde colonne de pixels sur les led. Le miroir tourne encore un peu, on affiche la troisième colonne de pixels, et ainsi de suite. Arrivé à la 384e colonne, on repart dans l'autre sens, le rafraîchissement a donc lieu deux fois à chaque oscillation. Un seul bus de données contrôle les deux miroirs, alternant les ordres pour l'affichage gauche et le droit (le bus de données est donc à 100Hz). Les images sont un peu différentes pour chaque oeil, les objets de l'image de droite les plus lointains apparaissant d'autant plus décalés à droite qu'ils sont éloignés ; l'oeil recrée la sensation de profondeur.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas Nintendo qui est à l'origine du concept du fonctionnement via miroirs et bandes de led. Cette technologie a été développée par une société aujourd'hui disparue, Reflection Technology Inc., qui a commencé à travailler dessus dès 1985. A cette époque, ils n'avaient aucun produit fini en vue, et leur système appelé "Private Eye" ressemblait plutôt aux Google Glass: une paire de lunettes avec un seul écran en 720*280 devant l’œil droit. Le prototype était d'ailleurs très moche:
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Les représentants de RTI ont fait le tour de tout un tas d'entreprises pour tenter de trouver des débouchés: militaires, médicaux, industriels, et... jeux/jouets. Quelques entreprises ont été intéressées, dont des fabricants d'ordinateurs qui voulurent intégrer le système dans des PC (ça n'a jamais rien donné). Ils ont alors profité de l'attention générale obtenue lors d'un salon pour produire des kits de développement. Mais toujours le problème fut le même: Les ingénieurs qu'ils rencontraient étaient impressionnés et enthousiastes, mais les patrons non, parce que personne ne voyait comment utiliser le truc à son potentiel maximum.

Dans les années 90, la réalité virtuelle est devenue particulièrement à la mode. Même la NASA a monté un petit laboratoire de recherche sur le sujet, et le film "Le Cobaye" sorti en 1992 fit un triomphe et contribua à propulser cette technologie futuriste au sommet. Les ingénieurs de RTI bricolèrent alors un modèle de démo à partir d'un casque de soudure, de deux "Private Eye", d'un système de capture de mouvement sommaire, le tout branché à un pc faisant tourner un petit jeu maison de simulation de tanks. Les types se sont tellement amusés avec, passant leur temps à jouer au lieu de bosser, qu'ils finirent par être convaincus de tout miser sur le monde du divertissement.

Mattel et Hasbro furent un temps intéressés, mais ça n'alla pas bien loin. Le problème de taille était que la reconnaissance de mouvement était trop lente, les temps de calcul donnant cette fameuse envie de vomir appelée "mal des transports", qui apparaît quand vos yeux et vos autres sens sont en contradiction. Le responsable de chez Sega qui assista aux tests à l'époque dit même que des gamins tombaient malades et étaient à deux doigts de vomir. L'autre principal inconvénient pour Sega était l'affichage monochrome, alors qu'ils vantaient déjà les capacités de l'écran couleur de la GameGear. A part ça, Tom Kalinske (le président de Sega aux USA à l'époque) trouvait le concept génial. Après tant de refus, les responsables de RTI se tournèrent alors vers Nintendo. Et c'est là que Gunpei Yokoi, l'inventeur du Game&Watch et du GameBoy et responsable du R&D1, entre en scène. Toujours à l'affût de technologies abordables et utilisées de manière originale, Yokoi assista à une séance de démo du jeu de tanks et tomba amoureux de la technologie. S'ensuivit alors quelques réunions avec les ingénieurs de Nintendo, puis une autre démo, cette fois avec le président, Hiroshi Yamauchi. La réunion comprenait une séance du jeu de tanks et une série d'idées d'applications possibles. En approchant de la fin de la réunion, le représentant de RTI entendit un gros "boom". Yamauchi s'était cogné le front sur la table, endormi... persuadé que c'était cuit, il finit la réunion rapidement puis demanda au traducteur en sortant si c'était vraiment si mauvais que ça, ce à quoi le traducteur expliqua au contraire que c'était un grand succès: si le président dort, c'est qu'il est OK, qu'on n'a plus besoin de lui et que ce sont aux ingénieurs de prendre la suite ! Ce que ces derniers firent dans la foulée, en lançant le projet "Dragon" qui devint rapidement le "Project VR32".

ÇA CHERCHE, ÇA ÉVOLUE, ÇA REVIENT EN ARRIÈRE

Pour Yokoi, la console devait être portable et fonctionner sur piles: la mobilité était le point principal à garder en tête. Les ingénieurs travaillèrent alors sur un processeur peu gourmand, un RISC 32 bits de chez Nec, associé à des coprocesseurs pour les graphismes et l'audio (au final, un Virtual Boy consomme environ 180mA). L'un des problèmes était qu'il fallait forcément mettre le processeur près de la tête, donc ajouter une tôle pour limiter les émissions électromagnétiques, ce qui alourdissait d'autant le casque au point de le rendre impossible à soutenir. Pour montrer à quel point TOUT doit être envisagé lors de la conception d'un tel jouet, on prit également en considération le fait que les femmes se maquillent... et que l'utilisateur passant derrière n'apprécierait peut-être pas de voir une console pleine de fard. Exit le casque, donc. L'idée suivante fut de créer un support reposant sur les épaules. Mais le département légal pointa du doigt les dangers potentiels et la mauvaise presse que ferait un enfant tombant dans les escaliers avec le casque sur la tête, ou impliqué dans un accident de voiture... le risque de se retrouver avec en première page des tabloids des photos de gamins avec des bouts de Virtual Boy plantés dans le crâne fit abandonner complètement le principe de mobilité.

On passa alors à une console reposant sur un bipied, posée sur une table. Finie la mobilité, mais on gardait le relief.

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Le brevet déposé explique clairement le fonctionnement via miroirs oscillants.


ET LÀ, ÇA COINCE.

A ce stade du projet, on a donc une console posée sur un pied, qui permet d'afficher du relief via deux affichages rouges sur fond noir, gérés par un processeur et des coprocesseurs consommant peu, le tout étant alimenté par piles. Et là, on pourrait logiquement se dire: puisqu'on va rester dans le salon, pourquoi ne pas remplacer le processeur par quelque chose de plus pêchu ? Un processeur plus puissant aurait permis des graphismes en 3D texturée, sans risque de ralentissement, ce qui aurait fait du Virtual Boy une console explosant complètement la concurrence pour longtemps, malgré son affichage monochrome. Malheureusement à cette époque, le développement de la N64 ponctionne une grosse partie des ressources de Nintendo (qui craint aussi que les deux consoles ne se concurrencent trop). Aussi le VB reste donc avec son alimentation à piles et son processeur restreint, uniquement capable de gérer des plans en 2D et de la 3D fil-de-fer. Les doutes commencent à apparaître au sein de l'équipe de dev.

C'est à ce moment que le "Project VR32" devient le "Virtual Boy". L'équipe marketing ne s'est pas trop fatiguée, on vend la réalité virtuelle tout en restant dans l'optique "low cost" et efficace de la ligne de produits initiée avec la GameBoy. Les couleurs sont celles de l'affichage, on fait une coque futuriste pour emballer tout ça, et roulez jeunesse. Et... et ils n'auraient pas du vouloir tabler sur le succès mondial de la petite portable monochrome. Car forcément, tout le monde s'est alors attendu à un succès au moins aussi retentissant ! Pourtant chez Nintendo, on voyait plutôt cette machine comme un jouet rigolo et original et non comme une machine de jeu (pour ça, ils misaient sur la future N64). Dans une interview d'Iwata et Miyamoto, ce dernier explique que pour lui le VB était plutôt dans la lignée des jouets à succès un peu originaux de la firme, comme L'Ultra Hand ou l'Ultra Machine (une main télescopique et un canon à balles en mousse, sortis dans les années 60 et 70). Il ajoute également que quand on s'appelle Nintendo, il faut que ça parte par brouettes entières si on ne veut pas que ce soit vu comme un échec, 200000 unités étant un très mauvais résultat pour une console mais un chiffre honorable pour un objet loufoque ou une curiosité technologique. Et en mettant "Boy" dans le nom, évidemment le monde entier a fait ce que le service commercial voulait au début, et la console a été vue... eh bien, comme une console !

Nintendo a même mandaté un chercheur du Schepens Eye Research Institute de Boston pour étudier les effets de l'appareil sur la vision humaine. Personne ne souhaite se retrouver avec des clients aveugles... Le résultat de l'étude prouve clairement qu'il n'y a aucun risque pour les utilisateurs, à une exception: les très jeunes enfants (moins de 5-7 ans), dont la vision n'est pas encore totalement formée, risquaient des problèmes si les deux blocs optiques ne sont pas parfaitement alignés verticalement. La solution, simple, sera d'enfermer les blocs dans une cage métallique ajustée précisément, et de renforcer la coque plastique de la console pour en faire un monolithe inébranlable. En ajoutant la fameuse visière obligeant à positionner sa tête correctement face aux affichages, tout risque était éliminé. En fait, comme le souligne Gunpei Yokoi, les résultats prouvaient que le VB était même bon pour la vue car faisant travailler les muscles oculaires en forçant à accommoder sur plusieurs profondeurs ! Mais pressés par le temps, l'équipe en charge du projet n'eut pas le loisir d'inclure ces découvertes à la campagne marketing, et la recherche fut simplement classée sans suite. Le VB, qui aurait carrément pu être présenté comme un jouet thérapeutique, continuait sa lente descente aux enfers.

QUAND LA LOI S'EN MÊLE

Si la situation en était restée là, Nintendo aurait encore pu limiter les dégâts et vendre une curiosité en tant que console, jusqu'au moment où le public aurait été attiré et les ventes décollant, les développeurs se seraient aussi intéressés à la machine.
Mais il a fallu par un hasard malheureux qu'une nouvelle loi sorte au Japon au même moment. En juillet 1995, est voté le "Product Liability Act", une loi rendant les fabricants d'objets manufacturés responsables de tout accident se produisant à cause de leurs produits. Le service légal de Nintendo, jugea plus prudent de farcir les pages du manuel de mises en garde, et c'est à cette période qu'on vit fleurir les avertissements sur toutes sortes de produits afin que les constructeurs puissent se dédouaner en cas de problème (ne pas utiliser votre nouveau sèche-cheveux sous la douche, ne pas mettre le chat dans votre nouveau micro-ondes, ne pas boire le liquide-vaisselle, ne pas utiliser le chalumeau à crème brûlée pour se raser les poils des couilles, toutes choses qu'une personne normalement constituée ne ferait pas, mais la nouvelle loi rendant les constructeurs responsables de la bêtise des utilisateurs, il fallait se protéger en l'écrivant noir sur blanc). Ainsi, une bonne partie du manuel d'utilisateur du Virtual Boy est constitué de messages d'avertissement sur de possibles risques pour la vue en cas de mauvaise utilisation. La loi étant très restrictive, si une chose n'était pas explicitement interdite dans le manuel, alors le fabricant était automatiquement responsable en cas d'accident. C'est également à cause de cette loi que tous les jeux Virtual Boy officiels comportent une pause automatique toutes les 15 minutes (désactivable à l'allumage, heureusement).
Le grand public, qui plus est à l'autre bout de la Terre, n'étant pas forcément au courant de cette loi, se basa sur le manuel bourré d'avertissements pour considérer la console comme dangereuse. Encore un point négatif, et de taille, pour ce pauvre VB mal-aimé.

ET LA CONCURRENCE DANS TOUT ÇA ?

En 1994, sortent coup sur coup deux consoles surpuissantes: la PlayStation de Sony et la Saturn de Sega. L'Ultra64, qui deviendra la Nintendo 64, est encore bien loin des étals des marchands: elle n'est prévue que pour 1996. Pour ne pas se laisser distancer, chez Nintendo on pousse Yokoi à finir son projet le plus vite possible. Alors que les coups de massue se sont enchaînés sur la pauvre console passée d'un casque de réalité virtuel complet avec head-tracking pour un coût raisonnable à un mélange de GameBoy et de Tabletop anémique (les Tabletops, ce sont des Game&Watch XXL qui ressemblent à de minuscules bornes d'arcade), Yokoi apprécie de moins en moins l'objet et veut en reprendre beaucoup de caractéristiques, mais on ne le laisse pas faire. Le développement a coûté cher même si c'est une broutille comparé à l'Ultra64, il faut le rentabiliser rapidement, et plus on attend et plus l'extraterrestre rivalisera avec l'Ultra64 dans lequel on fonde beaucoup d'espoir. Au point que Yokoi se voit imposer de ne pas développer de vrai jeu impliquant Mario: le plombier doit faire sa première apparition en 3D sur l'Ultra 64. Mario sert alors de bouche-trou dans des jeux qui auraient aussi bien pu se passer de lui: tennisman dans Mario Tennis, exterminateur de nuisibles dans Mario Clash, deux jeux tout juste sympas où il n'apporte rien. Yokoi avait toute une série de jeux Mario planifiés, mais il eut interdiction de les sortir, car chez Nintendo, beaucoup voyaient le VB comme une machine de niche qui ne serait jamais une vraie console (cf supra, l'interview de Miyamoto...). Au lieu de killer apps, l'équipe du R&D1 se retrouve avec le premier jeu pour le support: un jeu de flipper spatial développé par Intelligent Systems. Nouveau coup dur, c'est ce jeu qui devra supporter toutes les présentations dans les shows ouverts à la presse et au public (ce jeu sera remanié pour la sortie commerciale et deviendra Galactic Pinball).

De loin, les inventeurs chez RTI sont nerveux à la vue de ce que Nintendo a fait de leur licence, massacrant le concept initial de casque de réalité virtuelle. De leur côté, ils ont installé leur affichage dans un petit boîtier capable de recevoir et émettre des fax, le fax Viewer. Ce sera le seul autre usage commercial du concept. Quelques temps avant la sortie de la console, Nintendo leur envoie un prototype avec Space Pinball intégré à la console. Amusant deux minutes, mais rien à voir avec la démo de simulation de tank qu'eux-mêmes avaient créée. Pour RTI, l'équipe de dev de jeux de Nintendo est à la traîne et peine à concevoir des jeux exploitant correctement la machine. La qualité en constante chute des diverses esquisses de jeux force finalement le R&D1 et Yokoi à prendre les choses en main, et à faire avec ce qu'ils connaissent ; on se retrouve avec des game designers habitués au gameplay 2D tentant de s'adapter à une nouvelle dimension.

LA PRESSE VIENT METTRE SON GRAIN DE SEL

Quand on entend parler pour la première fois du "Project VR32", la réalité virtuelle est à la mode. Des grosses machines arcade commencent à apparaître (Virtuality commercialise des bornes avec casque, motion tracking, pistolet, en 3D et en couleurs, basées sur un Amiga 3000), Sega songe à sortir un casque pour la Megadrive depuis 1991, le SegaVR annulé plus tard à cause du même problème de capteur de mouvement et de lenteur des calculs qui rendent les gens malades, Atari développe aussi un casque pour sa Jaguar, bref, la réalité virtuelle est la cible de l'attention générale.

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Le système Virtuality, basé sur un bête Amiga 3000, permet le jeu multijoueurs


Mais rapidement l'enthousiasme de la presse est douché par le Virtual Boy. L'écran monochrome, l'absence de head-tracking, la nécessité d'une table pour le poser, tout cela refroidit les journalistes. Il faut ajouter à la liste le marketing de Nintendo qui mise sur la 3D (sur les salons la coque du Virtual Boy arbore la mention "3D display game system" qui disparaît de la version commercialisée) mais ne convainc pas les spécialistes, et le prix. On annonce 200$, alors que la GameBoy avec Tetris est à 60$. Et mis à part le relief, peu de choses différencient les deux machines selon les journalistes ! Le désastre frappe. Dans les mois suivant la sortie de la console, les journalistes japonais s'emparent des mises en garde sur la notice, et en font leurs choux gras. Beaucoup affirment avoir eux-mêmes eu mal à la tête après seulement quelques minutes de jeu (ce qui est tout à fait normal quand on ne prend pas la peine de régler les affichages à sa vue grâce aux commandes sur le dessus de la console, essayez de faire quoi que ce soit durant cinq minutes avec des lunettes qui ne sont pas les vôtres...). Même si des enfants peuvent être tentés, Papa préférera bien souvent mettre une PlayStation au pied du sapin pour en profiter aussi en multijoueur... En Amérique c'est un peu moins grave, les journalistes s'étant moins focalisés sur les risques supposés pour la santé. Le prix de vente de 179$ aide également à limiter la casse, ainsi qu'un partenariat judicieux avec une chaîne de magasins proposant la location du système afin que les intéressés puissent tester par eux-mêmes, solution beaucoup plus efficace pour vanter le relief que toutes les photos du monde sur un support papier forcément limité. Un magazine proposera tout de même des photos en anaglyphes (rouge et bleu), une paire de lunettes en carton étant offerte avec le numéro.

LIMITER LES DÉGÂTS

A Noël, Nintendo n'a écoulé que 140000 consoles au Japon, un terrible affront pour la firme qui espérait en écouler trois millions dans le monde la première année. Plutôt que de continuer la descente en flammes, Yokoi préfère tout stopper. Déçu de voir le monde entier s'élever contre la machine, déçu que même chez Nintendo personne ne veuille croire en son jouet. Il dira à des collègues "qu'on me donne 1 milliard de yens pour une campagne marketing et je vous envoie le Virtual Boy dans la stratosphère !" Un milliard de yens, à l'époque, c'est 10 millions de dollars, une broutille pour Nintendo, même avec la N64 dans les fourneaux. Mais ça n'arrivera pas. Aux USA, Nintendo of America tente de faire durer un peu plus la machine, en baissant son prix, qui tombera finalement à 99$ en mai 1996. Trop tard. En Août, le Virtual Boy est retiré des plans marketing. Fin 1996, on le trouve pour moins de 30$ dans les bacs de soldes de Toys'r'Us. Chez RTI, on est abasourdis. L'avenir de l'entreprise reposait en grande partie sur le succès du Virtual Boy, le Fax Viewer étant plus un gadget qu'un outil qui pourrait s'imposer sur le marché.

Tous les jeux en cours sont abandonnés, chez Nintendo comme ailleurs. Au total, on compte seulement 22 jeux commercialisés, 14 aux USA et 19 au Japon. Heureusement, la console n'est pas zonée, et n'importe quel modèle fait tourner tous les jeux, y compris les quelques exclusivités de chaque pays (3 US et 8 Jap, si vous savez compter). Dans la liste, on compte deux jeux de bowling, deux Tetris, un jeu de baseball, un jeu de tennis et un jeu de squash... et beaucoup de titres qui ne savent pas exploiter le relief de la console: V-Tetris se contente de proposer un Tetris classique qui se détache du fond, alors que 3D Tetris se rapproche plutôt d'un BlockOut.

Le port multijoueurs n'est finalement pas utilisé, aucun éditeur n'ayant le temps de sortir un jeu avec un mode deux joueurs. Waterworld et Faceball devaient l'utiliser, mais le mode multi fut retiré du premier, et le second fut annulé. Seule l'adaptation non officielle de Street Fighter 2, Hyper Fighting, permet un mode deux joueurs. Mais il faut deux consoles, deux cartouches (le jeu n'étant pas licencié par Capcom, il est excessivement difficile à dénicher, dépassant souvent les 900$ sur les sites d'enchères), et par-dessus tout il faut fabriquer un câble link maison, ce dernier n'ayant pas été fabriqué par Nintendo... de plus, le jeu est sorti en 2014 ! Une démo est disponible sur le net depuis 2013 et permet de jouer seul face à trois adversaires. Officiellement, Capcom n'a jamais eu l'intention de développer de portage. Probablement qu'ils auraient pu l'envisager si la console avait marché... En 2017, un développeur curieux a décortiqué le code de Mario Tennis et a découvert un mode deux joueurs qui avait été désactivé. Il a réussi à le rendre fonctionnel, et une version spécifique de Mario Tennis permet maintenant de jouer contre un copain ! Mais encore une fois, il faut deux jeux (donc deux linkers, voir au paragraphe suivant), deux consoles et un câble link.

UN AVENIR MOINS SOMBRE ?

Heureusement, quelques passionnés continuent de faire vivre la console: retranchés contre la haine et l'incompréhension mondiales sur le forum http://www.PlanetVB.com, des développeurs fouillent et exhument toute bribe d'information sur les jeux qui ne furent jamais sortis. On a ainsi pu voir apparaître un linker capable de faire tourner tous les jeux commerciaux (certains étant sortis à très peu d'exemplaires avant la débandade générale, ils coûtent une fortune alors qu'ils sont peu intéressants), disponible pour une centaine de dollars, et des prototypes ont pu être retrouvés, leur développement terminé, et certains ont même un éditeur de niveaux ! Bound High et Faceball ont ainsi été retrouvés et terminés par des passionnés, Hyper Fighting est une vraie perle (c'est ma version préférée du jeu, car oui j'ai la chance d'en posséder une cartouche), des portages ont commencé de plusieurs jeux (Snatcher, par exemple, est en cours de portage depuis quelques années), et une foule de homebrews sont sortis, dont un émulateur GameBoy qui apporte la 2D relief aux jeux. La programmation étant très compliquée sur le VB, il faudra attendre encore un peu avant de voir apparaître des jeux de haute qualité, mais ça avance. Il existe aussi de nombreuses rumeurs sur des jeux qui n'ont jamais été dévoilés: il y aurait eu un début de développement d'un shoot them up par Raizing (Battle Garegga, Dimahoo), dont nulle trace n'a été retrouvée . Dragon Hopper, un jeu présenté sur des salons mais jamais commercialisé, est toujours l'objet de recherches actives. Il y a quelques mois, un câble link de qualité a finalement vu le jour grâce à un membre de PlanetVB, et un projet de câble USB permettant le jeu en réseau via Internet est à l'étude. Qui sait ce que l'avenir nous réserve sur cette machine aux capacités inexploitées, tuée dans l’œuf par des à-peu-près et l'acharnement du destin...

A RETENIR:

Le VB, c'est une console proposant le relief en dégradés de rouge, qui ne fait mal à la tête que si on ne le règle pas à sa vue, qui a été incomprise et qui aurait pu proposer des jeux géniaux si on lui avait laissé la moindre chance...

NOTE IMPORTANTE POUR DE FUTURS ACQUÉREURS
Comme vous le savez maintenant, Yokoi n'a pas eu la possibilité de travailler comme il le souhaitait sur la conception de la machine. De ce fait, certains choix techniques ont des conséquences graves, plus de vingt ans plus tard: la carte mère est reliée aux deux blocs optiques réglables par deux nappes de plastique collées, sur lesquelles sont imprimés les circuits. La colle de ces nappes finit par ne plus coller correctement, entraînant des faux-contacts. La seule solution existante consiste à ouvrir la console, gratter le vernis sur les nappes, et re-souder proprement les contacts. On parle de plus de SOIXANTE points de soudure sur moins de 3cm de large ! Cela demande de l'expérience et du matériel de soudure de précision. CETTE OPÉRATION EST INÉLUCTABLE, il arrivera fatalement un moment où la colle ne tiendra plus, même si vous achetez une console neuve (elle a quand même été fabriquée il y a plus de vingt ans).
En Europe, le membre du forum http://www.planetvb.com appelé TheForce81 peut faire cette réparation. Évidemment, il faut lui envoyer la console, et le monsieur est situé aux Pays-Bas.
Les autres membres de PVB à même de faire cette opération sont tous situés aux USA. JE NE RECOMMANDE PAS DE TENTER LA RÉPARATION SOI-MÊME, le risque de bousiller la console si on ne sait pas parfaitement ce qu'on fait est important.



Sources:
http://www.planetvb.com (LE site et forum sur la console)
unraveling-the-enigma-of-nintendos-virtual-boy-20-years-later
Shigeru-Miyamoto-parle-du-Virtual-Boy
http://furrtek.free.fr/?a=vbtvout
https://en.wikipedia.org/wiki/Virtual_Boy_hardware
https://en.wikipedia.org/wiki/Virtual_Boy
http://factor-tech.com/feature/the-secr ... rtual-boy/
http://www.gameblog.fr/blogs/gamer3vies ... nt-l-heure

Editions:
15/05/2017: corrections orthographiques et précisions sur le mode de fonctionnement de la console.
14/10/2017: Le mode 2 joueurs de Mario Tennis a été découvert et débloqué.
01/11/2017: mise en garde sur la panne de l'affichage.
#390106 par CaptainBigleux
16 Mar 2017, 16:09
super article qui colle pile poil avec mon futur nouvel achat, ça me donne encore plus envie de le découvrir en vrai.

Tu prévois aussi des articles sur les jeux ?
#390131 par Arvester
16 Mar 2017, 19:16
CaptainBigleux a écrit:super article qui colle pile poil avec mon futur nouvel achat, ça me donne encore plus envie de le découvrir en vrai.

Tu prévois aussi des articles sur les jeux ?


Non, encore que ça irait vite:
-Hyper Fighting est la bombe qui aurait lancé la console, comme Mario64 l'aura été pour la N64 ; tous les gens qui l'ont testé sont sous le charme.
-Wario Land et Jack Bros sont deux jeux de plateforme qui mériteraient un portage 3DS car ils sont vraiment super et profitent du relief de façon intelligente (Dans Wario Land, on peut utiliser des tremplins pour se propulser dans le décor en arrière-plan, les niveaux sont vraiment pensés sur deux plans)
-Vertical Force est un shmup magnifique sur deux plans, certains ennemis arrivant au niveau du sol et d'autres dans les airs ; un appui sur une touche permet de basculer d'un plan à l'autre.

Pour le reste des jeux, c'est moins marquant.
-Mario Clash est fun 15 minutes mais vite redondant, le relief est joli mais pas vraiment utile. Le jeu est une version 3D de Mario Bros.
-Red Alarm est le seul jeu en vraie 3D relief, mais les graphismes en fil de fer le rendent confus.
-SD Gundam est un T-RPG relativement bon, et il vient tout juste d'être enfin traduit en anglais !
-Panic Bomber est un dérivé de Puyo Puyo dans l'univers de Bomberman. Le relief est complètement dispensable, tout comme pour V-Tetris, ce qui n'empêche pas le jeu d'être bon.
-3D Tetris est un port en relief de BlockOut, il faut remplir un puits avec des dalles et non plus des lignes.
-Mario Tennis est un jeu offrant pas mal de challenge, on peut placer la balle précisément chez l'adversaire et le relief est bien rendu mais ça reste un jeu de tennis comme tant d'autres.
-Teleroboxer est un Punch-Out sans le côté fun mais le relief est très bien rendu. Dommage qu'on y tourne si vite en rond.

Quant aux puzzle games et jeux de sport restant, il sont tout à fait dispensables. Le Space Invaders est un jeu ultra classique mais en relief, et s'il coûte si cher (>1200$ le jeu en boîte), c'est juste qu'il est extrêmement rare. C'st pareil pour Waterworld: le jeu est une daube ennuyeuse mais comme c'est une exclu US, il faut mettre mucho dinero pour trouver une cartouche.

Investir dans un linker est une obligation pour profiter réellement de la machine: Beaucoup de jeux ont été traduits du japonais (SD Gundam est le dernier en date), et les homebrews sont vraiment à explorer.

Dans la liste de ces derniers, sont à retenir:
Bound High, un jeu qui était en développement, dont on a retrouvé une version incomplète qui a été terminée, et dont il a même été produit quelques cartouches.
Faceball, un FPS simpliste également sur GameBoy et SNES (je crois), est également un jeu retrouvé et complété. Il existe un éditeur pour modifier les niveaux à sa guise.
VB Racing, un portage amateur de Outrun
L'émulateur GameBoy, qui est une tuerie et apporte une lumière nouvelle sur les jeux. Même Super Mario Land rend super bien !
Et pas mal de démos de jeux à venir (ou pas ^^') sont sympa aussi.
#390132 par reimmstein
16 Mar 2017, 19:22
Le seul jeu qui m'intéresse vraiment sur le support c'est le wario, elle s'émule bien la machine ?

Sinon pour les yeux, franchement on sait que ça risque rien. Suffit de demander à des utilisateurs réguliers.

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:mrgreen:
#390135 par Arvester
16 Mar 2017, 19:35
ça s'émule bien avec Mednafen, mais t'auras pas un rendu de bonne qualité. Soit t'as juste un œil, donc en 2D et tu perds une partie de l'intérêt, soit tu joues en bleu+rouge et le résultat n'est pas génial. Il n'y aura vraiment que sur la console ou avec un écran 3D qu'on aura un relief correct.
#390152 par lorentzo59
16 Mar 2017, 21:47
Superbe console, il faut absolument la posséder :whistl:

Sinon pour rester sérieux, pour moi l'un des jeu à absolument posséder sur VB c'est Wario Land. Encore aujourd'hui il est considéré comme le meilleur de la série.

Dommage que Nintendo n'ai pas ressorti les jeux sur la Console Virtuelle 3DS.
#390153 par Masterlord
16 Mar 2017, 21:51
Arvester a écrit:ça s'émule bien avec Mednafen, mais t'auras pas un rendu de bonne qualité. Soit t'as juste un œil, donc en 2D et tu perds une partie de l'intérêt, soit tu joues en bleu+rouge et le résultat n'est pas génial. Il n'y aura vraiment que sur la console ou avec un écran 3D qu'on aura un relief correct.

Je pense aussi que le VB fait partie des consoles qui n'ont pas d'intérêt en émulation.

D'ailleurs question conne, personne n'a tenté de le modder pour virer le trépied et le passer en mode casque ?
UN vrai mod, pas celui de l'AVGN et son rouleau de scotch 3M. :mrgreen:
#390160 par Tcherno
16 Mar 2017, 22:29
Bravo super article :20-20:

J'veux pas dire mais dans la timeline officielle y'a pas non plus la Game Boy Color...
C'est vrai que ce serait super des remakes sur 3DS... ou sur playstation VR :mrgreen: . Une version avec plus de couleurs du Virtual Boy était envisagée alors pourquoi pas en faire comme ça aussi !

Sinon ça se trouve à combien des prototypes de Private Eye complet mint en boîte avec notice ? Pour ma collec' :bravebete:

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