200 dollars. C'est le prix que j'ai payé pour mon exemplaire de SD2SNES, le dernier linker à la mode. Un linker, c'est un outil qui fait l'intermédiaire entre une console de jeu - ici une Super Nintendo - et un support amovible - ici une carte de type SD. J'ai payé cette dernière 8 euros pour une capacité de 8 Go. 8 Go de jeux super Nintendo, stockés sous forme de fichiers rom, que le linker chargera dans la console comme une cartouche. Je n'ai pas fait le calcul, mais un jeu Super Nintendo pèse en moyenne 2 Mo, alors avec 8 Go, il doit y avoir assez de place pour mettre plusieurs fois la totale des jeux Super Nintendo édités.
Certains appellent ça du piratage, et ils ont raison. Sur le plan légal en tous cas. Car la scène Super Nintendo apporte au sujet une autre perspective. Voilà vingt ans qu'il n'est plus possible d’acquérir un jeu neuf pour notre console 16 bits préférée. Aujourd'hui que reste-t-il ? Un marché de l'occasion dont les prix sont sans grand rapport avec le produit. Personnellement, j'ai juste envie de jouer aux jeux sur ma console. Qu'on me dise comment payer les ayants-droit et je le ferais. Mais je ne suis pas un collectionneur.
200 dollars pour un SD2SNES, à peu près 160 euros, par un curieux hasard le prix d'une Super Nintendo neuve en France à sa sortie en 1992. C'est une somme, et je pourrais jouer aux mêmes sur mon PC sans rien débourser. Mais un vrai retrogammer ne se contente pas de l'émulation, et pour ce prix l'outil donne le vertige. Un sésame pour jouer au catalogue intégral de la 16 bits de Nintendo. Et quand je dis intégral, j'inclus tous ces jeux inédits en France, qui sont légions, et que ces messieurs de Nintendo Europe n'ont pas jugés assez propices commercialement pour nous autres Européens. Je pourrais également parler des versions traduites de jeux qui ne sont jamais sortis du Japon, des jeux Satelliview, des hacks, des titres amateurs, des titres MSU-1, et j'en oublie sans doute. C'est aussi la possibilité de jouer à des jeux juste pour voir. Comme ce jeu affreux, testé par le Joueur du Grenier ou le AVGN, parce que c'est incroyable, il ne peut pas être si mauvais. Ou ce jeu disponible sur un meilleur support, mais allez, je suis curieux et je veux voir à quoi ressemble la version SNES. Ou ce jeu dont tout le monde se fiche, mais je ne sais pas pourquoi, moi je veux l'essayer. Et avec un SD2SNES, fini les sauvegardes perdues à cause des piles vieillissantes de nos cartouches.
Un SD2SNES, c'est une lampe d'Aladin sans limite au nombre de souhaits. Les possibilités sont telles que se pose une question déconcertante : jouer, oui, mais jouer à quoi ? Avec un catalogue pareil, la question n'est pas anodine. En quelques minutes, je peux alimenter ma carte SD de dizaines de titres, chacun d'entre eux est promesse d'heures ou de dizaines d'heures de jeu, il faut bien décider par quoi commencer.
Je me souviens de l'arrivée de la Super Nintendo sur le marché français. Il n'y avait que cinq jeux disponibles : Super Mario World (en bundle avec la console), Super Soccer, Super Tennis, F-Zero et Super R-Type. Suite à quoi, il fallut attendre six longs mois avant que les premières nouveautés ne débarquent en France. Alors oui, comme tout le monde, j'avais un adaptateur pour faire tourner des jeux japonais, et des copains friqués pour me prêter les premiers hits de la console. Mais en définitive, j'ai passé en tête à tête avec Mario assez de temps pour terminer le jeu, découvrir tous ses secrets, et tout refaire plusieurs fois. J'ai exploré ce jeu en détail, j'y ai joué jusqu'à plus-soif, je suis rentré dans son intimité. J'avais une relation avec lui. Et c'était chouette. Chouette, mais possible uniquement parce que je n'avais rien d'autres à me mettre sous la dent. Et si, à l'époque, j'avais eu un SD2SNES, et Internet pour saturer une carte SD ? J'aurais joué à SMW, c'est sûr. Je l'aurais terminé. Mais aurais-je cherché chacune des 96 sorties de niveau ? Peut-être, mais peut-être pas. Posséder trop de jeux, c'est passer moins de temps sur chaque. Et quand la ludothèque devient immense, le risque est de ne pas donner sa chance à un bon jeu, pour être passé trop vite à un autre titre.
Un peu d'auto-discipline sera donc nécessaire, pour prolonger une séance sur un jeu au lieu d'en tester un autre.
Pour finir, quelques détails qui pourront intéresser.
- J'ai commandé mon SD2SNES sur le site retrogate.com. La carte était au prix de 190$, auquel j'ai ajouté 10$ pour une coque en plastique, et 5$ pour les frais de port. J'ai passé commande un 15 Septembre, que j'ai reçue à mon domicile le 25 du même mois. L'emballage était minimaliste, mais la cartouche était bien empaquetée. Il n'y avait pas de notice, pas un mot d'explication, rien, j'étais censé savoir ce que c'était. Le colis venait d'Ukraine (??), et l'outil de tracking pour la livraison était en général HS. Bref, tout s'est bien passé pour moi, mais ce n'est pas aussi sécurisant que de commander sur Amazon.
- Je me suis équipé d'une carte SD de 8Go de marque Kingston. Faut que je la teste avec Super Road Blaster pour voir si côté MSU-1 ça assure, mais pour le reste c'est déjà parfait. J'ai également acheté un câble USB vu que la cartouche est dotée d'un port, mais j'avoue n'avoir aucune idée de l'intérêt de cette connexion (je pensais que c'était pour le firmware, mais ce dernier se met sur la carte SD)
- Je compte organiser les roms selon l'arborescence suivante.
\Owned --> Jeux dont je possède la cartouche.
\TwoPlayers --> Jeux jouables à deux.
\0-TestRoom --> Jeux à tester.
\1-Reserve --> Jeux testés et jugés bons, en attente que je m'y mette pour de bon.
\2-Arena --> Jeux en cours. Dans l'idéal, il ne devrait y avoir que 2-3 roms ici.
\3-Museum --> Jeux dont j'ai fait le tour, mais qui méritent que je les garde sous la main.
Les roms passent ainsi de la TestRoom au Museum en passant par la Reserve et l'Arena. Je parlais d'auto-discipline, et je ne devrais logiquement ne jouer qu'aux seuls jeux du répertoire Arena (ou TwoPlayers si j'ai un pote). Les autres ne sont là que pour s'organiser un peu.
Il ne me reste plus qu'à jouer. Ce qui me met le nez sur une réalité absurde : le temps dont je dispose pour cela, lui, n'a pas changé. Et lui, parentalité oblige, est sévèrement limité...