Je viens de terminer, après 10 heures de jeu, un jeu de plates-formes indépendant assez populaire en ce moment : Shovel Knight. Je ne vais pas tourner autour du pot : c'est une véritable tuerie. Graphiquement, c'est très joli : le jeu adopte un style graphique à la frontière entre les consoles 8 et 16 bits, pour un rendu très coloré que j'ai beaucoup aimé. Les différents niveaux ont tous un style marquant, les huit chevaliers ennemis ont chacun un design simple mais immédiatement reconnaissable, et certains sont des hommages assumés aux niveaux cultes des jeux de plates-formes de la grande époque. La bande-son est quant à elle vraiment très bonne, avec des thèmes entièrement en 8 bits (contrairement aux graphismes) qui accompagnent à merveille l'action. Chaque niveau, chaque boss possède son propre morceau et je me suis surpris à retourner voir le barde pour écouter les musiques que j'avais débloquées (j'y reviendrai) !
Du point de vue du gameplay, Shovel Knight puise majoritairement dans deux influences : Megaman et Castlevania. De Megaman, il retire une jouabilité millimétrée sans aucune faille, un level design très intelligent et jamais cheap, huit boss à affronter avant le dernier niveau, et des phases de plates-formes retorses qui demandent une bonne dose de dextérité et de sang-froid. De Castlevania, il retire des objets que l'on peut acheter et qui ont différents effets (pouvoir franchir un précipice en le survolant, devenir invisible, lancer des boules de feu...), des villages à visiter, et un léger aspect RPG puisque l'on peut augmenter ses barres de vie et de magie ou acheter des armures et des améliorations pour accroître sa puissance. D'autres sources d'inspiration sont plus mineures, mais toutefois présentes : Super Mario Bros. 3 (pour la carte du monde) ou DuckTales (pour l'une des attaques de notre héros, directement inspirée de la "canne sauteuse" de Picsou).
Le jeu regorge de secrets à découvrir, comme le fait de pouvoir collecter dans les différents niveaux les morceaux de musique du titre pour ensuite les réécouter à l'envi (et ils sont souvent bien cachés), les niveaux optionnels qui renferment de nombreux trésors, ou les voyageurs que l'on peut rencontrer (et combattre !) depuis la carte du monde. Par ailleurs, une fois le jeu terminé, vous pouvez lancer un New Game + où vous conservez toutes vos améliorations, mais qui rend le jeu plus difficile. Vous pouvez récupérer de l'argent en tuant des ennemis, dans certains murs cachés, ou dans des tas de cailloux qu'il s'agira de creuser avec votre pelle : car en effet, le personnage éponyme est un chevalier (Knight) dont l'arme principale est une pelle (Shovel) !
Le scénario est très simple, mais pas simpliste : Shovel Knight propose une galerie de personnages hauts en couleurs, avec notamment des boss bien plus croustillants (mention spéciale à King Knight et Tinker Knight) que les robots traditionnellement vaincus dans les Megaman. De plus, les quelques retournements de situation, sans être extraordinaires, sont sympathiques. Enfin, les concepteurs de Shovel Knight possèdent un sens certain de la mise en scène, d'autant plus impressionnante qu'elle est vraiment minimaliste : l'affrontement concluant le premier des trois niveaux de fin atteint une vraie intensité grâce au cadre du combat et aux quelques lignes de dialogue le précédant.
Enfin, ce qui m'a le plus plu dans ce Shovel Knight, c'est son challenge dosé à la perfection. A l'inverse d'un Megaman, tous les boss ne sont pas accessibles dès le début. Les premiers niveaux sont assez faciles, la deuxième série commence à se corser, la troisième mettra vos réflexes et votre dextérité à rude épreuve, avant l'apothéose des trois niveaux finaux, où il faut utiliser tout ce que vous avez appris des mécaniques de jeu pour triompher. Cette montée en puissance laisse vraiment le temps au joueur de se familiariser avec son environnement et de s'améliorer : en quelques heures à peine, on se surprend à maîtriser son chevalier à la perfection et à pouvoir prendre la pleine mesure de l'excellence du gameplay. De même, chaque niveau introduit des mécaniques nouvelles, mais le jeu prend à chaque fois le temps au joueur d'expérimenter ces mécaniques dans un cadre "facile" (peu ou pas d'ennemis, dans un parcours simple) avant de se frotter aux passages plus ardus. Je sais que je peux donner l'impression de m'attarder sur un détail, mais je suis convaincu que ce type de game design est le meilleur qui soit en ce qui concerne les jeux de plates-formes. Le jeu ne m'a jamais paru frustrant : les ennemis ne sont pas placés d'une manière vicieuse, et lorsque l'on tombe dans un précipice, c'est qu'on a fait une erreur de jugement au niveau de son saut. Le titre est tout de même relativement facile, notamment du fait qu'on peut très tôt trouver un moyen de se soigner sans rien dépenser. Les checkpoints sont placés de manière relativement fréquente (mais vous pouvez les détruire : vous prenez un risque supplémentaire, mais vous gagnez de l'argent en faisant cela !), et mourir vous fait simplement perdre une partie de votre argent (vous pouvez le récupérer si vous parvenez à l'endroit de votre mort sans échouer une seconde fois).
Je pense que ceux qui me lisent depuis un moment savent que je vois d'un assez mauvais œil la vague rétro qui frappe le jeu indépendant depuis quelques temps. D'abord motivée par des moyens limités, cette contrainte est presque devenue un parti pris et les développeurs se félicitent de servir des jeux de plates-formes sans âme, calqués sur n'importe quel standard de l'industrie, mais forcément mieux parce que "rétro" et "faits avec le cœur". Du coup, quand je vois un jeu indépendant avec ce style être acclamé par la critique, je me méfie toujours car je pressens l'opportunisme de la part des développeurs et la complaisance un peu masturbatoire des journalistes. Mais Shovel Knight n'a rien à voir avec cela. C'est un grand jeu de plates-formes, aux mécaniques irréprochables, à l'ambiance irrésistible, et au challenge dosé avec une précision et une minutie d'orfèvre, qui ne se réfugie pas derrière son style mais est peaufiné jusque dans les moindres détails. Le titre vaut très largement ses 15 euros sur Steam : j'en suis à 10 heures de jeu, je viens de finir une première partie avec tous les morceaux de musique récupérés, une trentaine de succès sur les 46 du jeu, et je vais me lancer dans un New Game + car je tiens à le finir à fond.
Conclusion : Shovel Knight est de très, très loin, mon coup de cœur absolu de 2014. Cela faisait longtemps qu'un jeu n'avait pas réussi à me scotcher pendant des heures devant mon écran. (Et avant qu'on me le fasse remarquer, oui, je le considère supérieur à Ground Zeroes. Ce dernier est un bon jeu, bien meilleur que ce qu'en dit la critique, mais constitue plus un laboratoire d'expérimentation pour les nouvelles mécaniques adoptées par la série ; du coup, j'attends avec une très grande impatience The Phantom Pain.)
Bon Dieu, jouez à Shovel Knight ! En plus, il va bientôt subir une mise à jour qui rendra jouables certains boss, et chacun aura son propre scénario ! J'espère vraiment vous avoir convaincus, car je considère sans exagération que le titre a sa place dans mon top 10 de jeux de plates-formes toutes consoles confondues.
J'aime les avions, Shenmue, et Pink Floyd.